Ces messieurs du Comité national de la Résistance, Bidault, Laniel, Meyer et bien d'autres achevaient de dîner d'un plat de macaronis, quand Dronne fut annoncé. Ce fut le délire. Etranglé par l'émotion, Bidault ne put achever son discours. Toutes les cloches de Paris se mirent à sonner. La foule sur la place entonna une Marseillaise hélas interrompue par des rafales de mitrailleuses partant des quais, criblant les fenêtres illuminées de l'Hôtel de Ville.
Quelques instants plus tard, Dronne fut accueilli par Luizet, Chaban-Delmas et Parodi à la préfecture de police. Conduit au micro par Pierre Crenesse, Parodi déclarera :
— J'ai devant moi un capitaine qui vient d'entrer dans Paris le premier. Son visage est rouge, il est sale et râpé et pourtant on a envie de l'embrasser.
Devant cette perspective, Dronne préféra prendre un bain que lui fit couler aimablement Félix Gaillard - un tout jeune homme qui sera plus tard premier ministre -- dans la baignoire du préfet.
— Filez droit sur Paris, entrez dans Paris, ordonna soudain Leclerc.
— Tout de suite, mon général, répondit Dronne... Si j'ai bien compris, je contourne les points d'appui allemands, j'évite de me laisser accrocher et je me dirige vers le coeur de Paris ?
— C'est cela, droit sur Paris. Passez par où vous voudrez. Dites aux Parisiens et à la Résistance de ne pas perdre courage, que demain matin la division tout entière sera dans Paris.
Ce fut ainsi qu'avec trois chars, le Montmirail, le Champaubert. le Romilly. une quinzaine de half-tracks, deux camions G MC du génie, moins de cent cinquante hommes, Dronne entra dans Paris, empruntant des petites rues, des rues modestes aux noms inconnus, gagnant l'Hôtel de Ville où il arriva à 21 h 22.
